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Noma(n)d’s Land – Kazakhstan

  • Photo du rédacteur: CoolinClassic
    CoolinClassic
  • 19 oct.
  • 11 min de lecture

Juillet 2025

Le Kazakhstan, poumon économique de la région, est le point de départ d’un été dans cette enclave qu’est l’Asie centrale. Avant de débuter ce périple qui finira à Oulan-Bator, nous passons la journée à Varsovie. Au sortir des ruelles du vieux centre bien sympathique, une masse de fans d'AC/DC, attendent les rockstars australiennes devant leur hôtel. Angus Young, guitar hero par excellence et vingt-quatrième meilleur guitariste de l’histoire selon le magazine Rolling Stone, sort de la boîte, la démarche bien loin de son célèbre duckwalk ! À deux pas, repose le cœur d’un autre géant (Frédéric Chopin) dans un récipient en chêne de l’église Sainte-Croix de Varsovie, en face du campus de la plus grande université du pays, celle de David Ben Gourion ou Alpha Oumar Konaré. Avant de reprendre le bus pour rejoindre l’aéroport, où nous croisons l'équipe nationale féminine de volley engagée en Ligue des Nations, la fin de cette belle journée se termine par un piquenique musical ; l’été est bien lancé ! Nous débarquons à Astana, devenue – entre 2019 et 2022 – Nour-Sultan, pour rendre hommage à l’ancien président Noursoultan Nazarbaïev, une ville, située au cœur de la steppe. Elle se distingue par une architecture avant-gardiste symbolisée par le travail de Norman Foster, éminent représentant de l’architecture high-tech avec Richard Rogers. La tour Bayterek en est son joyau. Au pied de la structure, nous ne prenons pas conscience de sa dimension (105 mètres avec la boule d'or d’un diamètre de 22 mètres). Nulle envie de rendre hommage à la figure de l’ancien président qui a laissé son empreinte en or massif… On se taille ! Astana est remplie de ces lieux que nous vénérons, comme le café Kortem, idéal pour s’enfiler quelques karak teas. En soirée, nous rallions le pont Atyrau, qui traverse le fleuve Ichim, en passant devant la statue de Kerei Khan. Les laghman sont de retour ! Dans l’Astana Central Park, c’est fête foraine et concert gratuit, cool ! L’heure de dégoter des tenues adéquates et nous voilà dans les galeries de l’imposante Grande mosquée. Les 40 mètres de son dôme symbolisent l'âge auquel Mohammed a reçu la Révélation dans la grotte de Hira, et la taille de ses minarets (63 mètres) font référence à l'âge de sa mort, bigre ! Après un énième karak tea, au son d’une fanfare qui célèbre l’anniversaire de la ville (ou du café!), nous sommes déjà dans un train en direction de Semeï, à chercher nos couchettes qui nous serviront pendant les vingt-huit prochaines heures. L’expérience du wagon ouvert de style soviétique sera un must de notre voyage, malgré cette mère et ses deux enfants qui ont un peu trop pris leurs aises. Le dîner sera fait de samsas et nouilles instantanées, les déjeuners de thé permis grâce à ces bombonnes d’eau chaude en libre accès. Le samovar sera toujours présent dans les trains, quelle belle idée ! Pendant que Maghnia enchaîne les pages des Frères Karamazov de Dostoïevski, je dévore les bédés sur ma tablette. Bonheur total d’un train de nuit ! Vingt-huit heures plus tard, Semeï est sous la pluie. Abrités sous nos capes de pluie, nous chassons les agences de voyage pour tenter de rallier la zone nucléaire. Un coup dans l’eau, amorti par ces mantis, une belle soupe et la traditionnelle kompot (jus) dans un resto 100% boui-boui ! Repus, nous débutons une longue balade : parc, mosaïques soviétiques, maison de Dostoïevski, statue de Lénine, monuments de la guerre en Afghanistan, puis des victimes du nucléaire, c’est historiquement intense ! La ville – à 30% russe –, fondée en 1718 comme fort avancé des Cosaques de l’armée russe (des guerriers slaves semi-nomades), fut celle des opposants politiques en exil, un poste commercial de l’Empire avec les peuples nomades de la région, et surtout celle du polygone nucléaire de Semipalatinsk. Jusqu’en 1989, plus de quatre-cent-cinquante explosions nucléaires eurent lieu dans la zone d'essais dont cent-vingt-cinq à l'air libre. Une bonne rasade de radioactivité, un petit shoot pour une leucémie plus tard, et c’est déjà l’heure d’un taxi partagé pour Öskemen. Il faut une motivation sans faille pour rallier Katon-Karagay, une localité située au pied des montagnes de l’Altaï. Merci à notre sauveur, un Kazakh qui parle anglais et nous conduit d’abord à Bolchenarymskoe, à travers des champs de tournesol à perte de vue. Arrivés tard, Aniess nous propose les services de son mari. Nous faisons honneur au shai darstarkhan, ce temps dédié au thé noir au lait, accompagné de confitures, miel, et fruits secs. Nous recevons de jolis cadeaux (un litre de miel, des boulettes de fromage/qurt, un foulard) avant de partir dans une vieille Lada soviétique en direction des montagnes. Merci à Google traduction pour cette discussion improbable, devenue presque fluide !


Maghnia souhaite voir le mont Belukha (4.506 mètres), considéré comme sacré pour les bouddhistes et burkhanistes, qui considèrent que c'était l'emplacement de Shambala (Shangri-La), lieu imaginaire – aux confins du Tibet – décrit dans Lost Horizon de James Hilton et adapté par Frank Capra. Le bourkhanisme (Ak Jang en altaï) est une religion millénariste, charismatique et anti-chamanique, qui prit de l'ampleur chez les Altaïens et qui finit par se dissoudre dans les religions altaïques préexistantes. Les textes sacrés décrivent un messie qui les protège de l'invasion russe, tout en intégrant des éléments des différentes religions régionales (chamanisme, bouddhisme, orthodoxie...). Nous n’atteignons pas la lamaserie utopique romanesque, mais le « très beau mais pas transcendant » (dixit Maghnia dans ses notes) lac Ivanesco qui voit le Belukha se refléter dans ses eaux. Le spot de pique-nique et de baignade est démentiel. Nous ignorons les panneaux d’interdiction pour une courte balade sur un chemin qui s’enfonce dans la zone frontalière russo-kazakhe… Nous sommes rapidement arrêtés par deux soldats de l'armée kazakhe qui prennent en photo nos passeports. Demi-tour fissa ! Que se passera-t-il au moment de quitter le pays ? C’est flippant ! Il est déjà l’heure de quitter cette région où l’hiver, les températures hivernales descendent en-dessous des moins 40. Adieu les « Trois Têtes », reprenons les Routes de l’impossible qui font de gros dégâts à ces 4x4, pourtant taillés pour les montagnes. Notre pilote de rallye contourne une jeep à l’arrêt total. Cent-trente balles la journée pour un lac certes magnifique, l’Altaï nous semble bien trop cher. À ce prix-là, mieux vaut rester dans les Alpes… Ouste les escrocs, ça chill ! Papa Muit, nostalgique de l’U.R.S.S., et sa fille Kamelia, qui rêve d’une romance avec Paris, viennent nous chercher, s’arrêtent dans un champ de colza, avant de nous emmener voir leurs ruches. La Lada à fond la caisse, il évite de peu un magnifique hibou grand-duc. Quelle grâce ! Ils nous invitent à dormir chez eux. En famille, nous voilà au parc d’Ulken Naryn avec les copines de Kamelia, puis au bord d’un réservoir qu’ils voient pour la première fois.... C’est une famille en or, à l’image de ces Kazakhs rencontrés qui semblent avoir le cœur sur la main. Merci madame de nous avoir payé nos tickets de bus, monsieur d’avoir offert des nouilles instantanées et un chocolat à Maghnia ! Puisqu’il n’y a pas d’heure pour partager – avec les Kazakhs – du lait de vache ou le beshbarmak, le plat national à base de viande bouillie accompagnée de pâtes bouillies, d’une sorpa et de koumis (lait de jument fermenté), c’est parti pour une session gastronomique nocturne… Vive la cuisine végétarienne ! Aux aurores, Papa Miut nous montre son immense jardin. Il pleut des cordes sur la route qui nous ramène à Öskemen, la russophile qui s’est développée grâce à ses activités minières et métallurgiques pendant l'époque soviétique. Heureuse cantine qui nous accueille la journée ! C’est reparti pour une seconde mission ferroviaire, dans un compartiment de quatre, approvisionnés comme jamais (eau, beignets aux œufs, gâteaux). Notre compagne de route s’en va vers Samarcande pour un traitement aux graines de cumin. Heure après heure, c’est toujours le même paysage de steppes arides dépourvues de toute végétation. Nous qui rêvions de steppes, comment pouvons-nous être déçus ? Nous avions choisi de « qaz » (« vagabonder ») à travers un pays autrefois empreint de culture nomade. Le suffixe persan « -stan » signifiant « terre » ou « pays », nous pensions donc être au « pays des vagabonds » ou « pays des nomades ». Mais, la steppe eurasienne semble sans habitats et sans hommes… C’est un noman’s land devenu noma(n)d’s land, un pays sans nomades. Pas une yourte, seulement quelques maisons en dur de fortune le long des rails !

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Ah, un centre commercial…, la garantie d’un très bon breakfast à rallonge ! Des surveillants de Squid Game semblent avoir quitté l’île mystérieuse. Une belle visite du musée national du Kazakhstan nous attend. Partout, Shavkat Rakhmonov, invincible combattant MMA au sein de l’UFC, fait la promotion d’une quelconque marque. Il faut traverser le parc Panfilov pour rejoindre l’église orthodoxe russe Zenkov, entièrement construite en bois et sans aucun clou. L’intérieur est bien joli et la messe bat son plein. Les icônes sont embrassées par les fidèles, au son de chant religieux. L’église est au centre du Conservateur des antiquités, dans lequel Iouri Dombrovski, décrit l'absurdité du système stalinien... à lire ? Le Green Bazar est l’endroit parfait pour goûter cheval, fromages, oléagineux, noix de Macadamia, fruits séchés (figues, mangues….). À l’aéroport d’Almaty, l’ancienne capitale russophone, le commercial d’Hertz a pris la poudre d’escampette, une idée de génie quand il faut remettre des clefs de voitures. Une heure trente plus tard, le visage tuméfié à la Fight Club, il lâche enfin sa Renault Capture. À 7h, direction le sud de la ville : œufs bénédictines, thé noir et boulettes kazakhes, c’est (presque) 100% local ! Manque de bol, le lac Almaty est à plusieurs heures de marche… Il faut une bonne dose d’imagination pour rallier des routes constamment fermées, à travers quelques vergers de pommes. Nous sommes au centre mondial de la découverte du malus sieversii ! Le musée de l'homme d'Essik, couplé au kourgane de Iessik (un site funéraire du IVème ou IIIème siècle av. J.-C. sous forme d’un monticule de 6 mètres de haut et 60 mètres de circonférence), nous accueille enfin. Situé dans ce qui était alors la Scythie orientale, juste au nord de la Sogdiane, le site funéraire est célèbre pour son inscription probablement issue d'un dialecte scythe et pour le squelette d’un prince ou d’une princesse saka d’à peu près 18 ans, enterré(e) avec son armure de guerre et ses riches présents funéraires : l’« homme doré ». Le lac Essik est plus banal… Kazakhs, dites merci aux réseaux et à cet influenceur qui vend du rêve, car votre pays commence à nous fatiguer… Tout est loin, très loin, le tourisme est cher, et le backpacking pas du tout adapté ! Dans le train pour Turkestan, une famille l’a joué solo… Kazakh, redescends-moi ces valises avant que Rodrigo ne pète un câble !

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La chaleur est étouffante… Pour tuer le temps et ne pas sombrer dans la torpeur, nous buvons, des heures durant, le thé au millet accompagné de gâteaux kazakhs, le Tashkent Tea (au citron et clous de girofle) ou le thé aux herbes. Le mazar, inachevé, nous renvoie dare-dare sur les routes d’Ouzbekistan ; la structure actuelle a été commandée par Tamerlan au XIVème siècle pour remplacer le mausolée de Khoja Ahmed Yasavi, un maître soufi du XIIème siècle. Celui-ci eut un impact sur l’alévisme, un courant religieux syncrétique issu du chiisme, du soufisme, du mysticisme chrétien ou du zoroastrisme, une expérience ésotérique privilégiant l'expérience spirituelle directe et la recherche de la vérité intérieure. Le maître architecte perse (mimar) lui érigea un superbe bâtiment en gantch (brique cuite mêlée de mortier et d’argile), couronné du plus grand dôme jamais construit en Asie centrale ; c’est la mieux préservée de toutes les constructions timourides, et ça en jette ! Plus loin, le mausolée Arystanbab est celui de l’un des premiers derviches. Nous avons négocié 13.000 tenge pour nous y rendre et rallier Otyrar. Un renard de corsac s’est caché dans les ruines de l’antique cité fondée à l'époque achéménide. C’est ici, sur les terres irriguées de la route de la Soie, que naquit le philosophe mu’tazilite Al-Farabi, figure majeure de l'Islam d’or ayant influencé Avicenne. Son approche de l’islam réfute l'idée d’un coran éternel et accorde une place centrale au libre arbitre humain. C’est donc au fin fond du monde, dans des régions hostiles et désertiques, que certains penseurs ont exercé une influence indéniable sur leur temps…, c’est fascinant ! La prospérité d'Otrar connaîtra un coup d'arrêt avec l'invasion mongole et le massacre de ses habitants (1218) ; la ville redeviendra un centre politique et commercial important dès le XIIIe siècle, grâce à son emplacement entre l'Ouest et l'Est de l'Asie. Tamerlan, en visite, mourra dans l'un des palais d'Otrar. Par la suite, la cité, en proie à une période de luttes et de conflits, à un système d'irrigation désuet et à un bras eurasien de la route de la Soie perdant de son importance, connut un déclin économique. De l’Antiquité à l’après Moyen-âge, Otrar est un pan entier de l’histoire de la région ! À Turkestan, le Karavansaray est un décor de Disney, un centre commercial en souffrance. Les ruines de la « capitale spirituelle du monde turc » lèchent le mausolée précédemment cité et, avec ses airs de « no go zone » à la nuit tombée, sont profondément excitantes. Le train pour Chimkent parti, nous observons les us et coutumes des Kazakhs, cette famille de quinze en route pour un mariage ou cette femme qui vend ses glaces… Mais comme l’écrit Maghnia, j’en ai marre des distances colossales, de ces agences ou taxis partagés inexistants, du prix excessif des taxis et me projette, déjà, sur la Chine. À Tjulkibas, un cheminot, sur la route du boulot nous dépose chez Ruslan. Son père semble sortir tout droit d'un dessin animé, la madre, Natalia, est pleine d’énergie ! De la balade à cheval dans le prétendu parc national de Taldy Bulak, je ne retiendrai que ce joli pique-nique, nos chevaux (Boyk et Chaoukhar) qui ont un vrai penchant pour la gauche, et surtout notre guide pré-ado qui ne se fait vraiment pas respecter par son canasson. La barre ! La balade vers les montagnes est également bien décevante. Nous attendons le train (…encore le train !) de 19h30. Si les mantis de la mamie sont exceptionnels, il ne vient toujours pas… À 3h du matin, le chef de wagon, qui ne doit pas savoir que nous le prenons en route, n’ouvre pas les portes… Panique à bord, nous courrons, montons, la nuit commence enfin !

Le Fight Club d’Almaty fournit une Renault Dacia à Maghnia pour rejoindre le parc d'Altyn Emel. Nous trouvons refuge chez une famille du village de Kalinino, qui nous cuisine des mantis au mouton et des baursak, ces boules de pâtes frites. Maghnia roule comme une folle pour rejoindre la réserve de biosphère de l’Unesco. Ce n’est que déserts (45%), terrains rocheux (30%), et c’est superbe ! Les montagnes d’Aktau, formées par des activités volcaniques il y a 400 millions d'années, donnent l’impression de parcourir des étendues d’une autre planète. On dirait les States ! Nous marchons sur une boue séchée par un soleil de plomb. C’est un musée géologique à ciel ouvert avec ces quartz que l’on trouve par centaines. Plus tard, un renard de Karagan se cache à peine. Enfin, le chant des « dunes chantantes », après une montée éprouvante, est un moment inoubliable. Altyn-Emel, on adore ! Sur le retour, Kapchagai, une station balnéaire, est bien merdique. À quelques kilomètres de l’aéroport, le volant de la Dacia se bloque et perd de la puissance, Maghnia ses nerfs et fond en larmes… La faute à cette station-service à la Bagdad Café qui vend un pétrole de mauvaise qualité et a bousillé le moteur. Le lendemain, dans le van de Banana Tour, Maghnia est scotchée au fond du van, moi presque devant plus à l’aise. Le daily tour nous conduit dans les merveilles situées non loin d’Almaty. C’est parti pour une tournée des canyons. Charyn, une faille de 150 kilomètres de long, est une beauté primaire qui rappelle les somptueux canyons de l’Ouest américain. Des avancées multiples permettent des vues toujours plus belles sur les grès de couleur rouge qui semblent se terminer au bord de l’eau. Des reliefs escarpés dominent un horizon dégagé. La « Vallée des châteaux » se prolonge dans le Black Canyon et le Moon Canyon (ou Canyon Blanc), qui tire son nom de l'argile de couleur blanchâtre qui compose ses rochers. Pour monter au lac Kaindy, long d'environ 400 mètres, il faut un bus de guerre, car la route est complètement défoncée ! Les troncs d’épicéas morts, qui sortent de la surface de l’eau, donnent un air féerique. Profond de 30 mètres, le lac fut créé par le tremblement de terre de 1911. C’est du très grand art ! Nous finirons le tour sur les bords du lac Kolsay. Il nous faudra bien longtemps pour revenir au centre d’Almaty, par la faute d’une circulation chaotique… Initialement conçue pour accueillir 400.000 habitants, la population de la ville en compte, en 2025, plus de 2.2 millions. Des calculs de génie ! Sur la route de la Chine, je repense à nos trois semaines… Kazakhstan, m’ayant profondément déçu, je n’ai aucune peine à te quitter, car tu ne vaux pas tes voisins !

 

Les Scythes ou Saces sont un ensemble de peuples nomades iraniens de l’Antiquité.

Les Sogdiens sont un peuple antique sédentaire de langue indo-européenne. 


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