Les Mystères de Pékin – Beijing
- CoolinClassic

- il y a 6 jours
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Août 2025

Les masques de peau qui couvrent l’intégralité du visage et les parapluies, qui servent à se protéger d’un soleil taquin, n’ont pas disparu. Nous sommes toujours en territoire chinois, mais le Xinjiang est désormais bien loin. Nous débarquons à Beijing vers 13h. À l’aéroport, Big brother is (still) watching you…, car les employés chargés de décharger nos valises sont filmés et vus par toutes et tous. Notre hôtel est magnifique… Je lâche donc peu à peu l’idée de me rendre à Datong, dans la province du Shanxi où l’on parle le dialecte du Jin yu. Je laisse (à regret) les grottes de Yungang et le Monastère Suspendu de Xuankong pour Les Mystères de Pékin. Dans le salon familial fontenaysien, le jeu de société Lansay tournait à plein régime. Mes sœurs et moi tentions de résoudre différentes énigmes… Lequel des quatre dragons de défilé cachait donc le coupable ? Nous voici déjà à arpenter les hutongs malfamés du sud de Pékin. Les passages étroits et ruelles en font une superbe balade. Nous pénétrons dans le petit quartier urbain, puis dans l’un des nombreux siheyuan (habitations groupées autour d'une cour) pour un premier thé dans la ville impériale. C’est le Pékin rêvé par Maghnia, celui de la dynastie des Yuan au pouvoir il y a plus de 700 ans. Dans ses rêves nocturnes, la Belle se plonge assurément dans le Pékin ancien des maisons closes, celui du Lotus Bleu et ses fumeries d’opium. No stress la Belle, nous sommes dans les hutongs proches de la Cité interdite, ceux réservés aux aristocrates et à l’élite des Qing ! Magasins de soie et de porcelaines issus de la Révolution culturelle, les vieilles ruelles sont un voyage dans le temps. En Chine, les saveurs de bouche sont toujours un bonheur, de cette crêpe salée aux légumes au chou ou à ces nouilles aux champignons shiitake, œuf et tomates. J’en passe.... À 6h15 pétante, nous retrouvons un couple de Roumains dont la demoiselle fait la gueule. Elle réserve certainement son sourire pour son Instagram en carton, afin d’impressionner ses followers à coup de selfies et poses 100% authentiques… C’est parti pour Mutanyu, l’une des sections de la Grande muraille. C’est dans le téléphérique que Maghnia aperçoit, pour la première fois, la plus importante structure architecturale jamais construite par l’Homme (longueur, surface, masse). Ladite section, construite au milieu du VIème siècle par la dynastie Qi du Nord, était utilisée comme barrière de défense au nord pour la capitale et les tombes impériales. Si la construction de granit, haute de 7 à 8 mètres et large de 4 à 5 mètres, m’est toujours aussi impressionnante des années plus tard, j’admire surtout la forêt qui s’étale à perte de vue. Ici, la couverture forestière couvre 90% du territoire…, c’est somptueux. Sur près de 2 kilomètres, nous traversons les miradors avec bonheur, malgré une foule bien trop dense. Maghnia doit quémander pour avoir quelques souvenirs de son homme, vive les épousailles ! Nouilles avalées, nous voici dans un taxi – bien cher – pour les tombeaux des Ming, au pouvoir entre 1368 et 1644. Un tombeau en sous-sol et c’est tout ?! Maghnia souhaite voir celui de Changling de l'empereur Yongle bon sang… C’est qui encore celui-là ?! Troisième empereur Ming, il est celui qui transfère la capitale de Nankin à Pékin et l'initiateur de la construction de la Cité interdite… Quand même ! C’est loin et il faut repayer…, retour donc dans le taxi Didi en direction du district de Haidian. Nous voici devant l’entrée ouest du Palais d'Été, celui reconstruit par Cixi, impératrice aperçue dans les traits de Lisa Lu dans le film de Bertolucci (1987) qui, enfant, m’avait scotché ! Lac de Kunming, pont aux Dix-sept arches, jardins, palais, édifices de style classique chinois, temples monumentaux et pagodes de toute beauté, « nous prenons une claque » comme le dit Maghnia. Ah Cixi, merci d’avoir reconstruit l’ancien palais d'Été incendié par les Franco-Anglais en 1860 lors de la seconde guerre de l’Opium, une guerre coloniale qui opposait Français, Américains et Russes à la dynastie chinoise Qing… Cixi impératrice, après Lanfeust de Troy (Christophe Arleston et Didier Tarquin), je suis encore en admiration de toi ! Maghnia m’invite sur le rooftop du Mandarin oriental. Bouton caché pour accéder au bar et cocktails à la James Bond, la soirée est de toute beauté !
Maghnia se fait belle pour rendre grâce à la Cité interdite. En visite il y a plusieurs années, j’avais noté : « cette impression étrange de passer à côté d’une émotion forte, je la ressens lors de la visite de la Cité interdite, pourtant colossale (elle compte neuf cent quatre-vingt bâtiments sur 72 hectares entourés d'un mur de dix mètres de haut). J’aurais aimé assister au travail des sept cent mille fonctionnaires qui ont bâti le mausolée ou me glisser dans la cour impériale chinoise, pourquoi pas celle de Pu Yi, Le Dernier Empereur. » Après un énième check-in de sécurité où Maghnia se fait racketter son déodorant, voici ma femme – guidée par un certain Andy – dans la fameuse cité, interdite pour les locaux il y a encore 116 ans. Elle est sous le charme du raffinement de la cour chinoise, d’éléments d’architecture de toute beauté (moulures, poutres en bois, hoquets de porte) et sous l’étonnement de ces canaux et de ces ponts. Quant à moi, je fais une visite (très/trop) express au musée national après un petit-déjeuner de champion ! Ma douce me rejoindra dans un café caché au fin fond des hutongs, avant de goûter aux écrevisses à l’ail à la mode Sichuan chez Huda. C’est le quartier du temple des Lamas, le plus grand temple tibétain hors de la région autonome. Le temple nous renvoie à Zhou Enlai, qui, grâce à lui, survécut à la Révolution culturelle de Mao, l’homme qu’il est interdit de critiquer au pays. Yonghe Gong est en fait la résidence officielle des eunuques, une lamaserie (monastère) qui abrite des statues de Bouddha ou Bodhisattva (dont l’une haute de 12 mètres), ces êtres (sattva) humains ou divins qui ont atteint l'état d'éveil (bodhi). Ils devraient donc porter logiquement le nom de buddha (« éveillé ») et être à jamais libérés des contingences existentielles. Merci Wiki ou Universalis, mais je ne comprends toujours rien de rien au bouddhisme ! Maghnia, quant à elle, laisse ses innombrables questions pour nos après-midi drancéennes. Le temple de Confucius, si près, Beijing recèle de trésors. Cette tea house, située dans des hutongs du nord de la ville sous la pluie, en fait partie. Maghnia rêve de son futur set de Gong Fu Cha qu’elle aura à la maison, et choisit un Oolong. Pu’er dans une théière en fonte, Dakengkou Shuixian Wuyi Rock Tea (Oolong de 1999) préparé dans un gaiwan par des mains de maître, Maghnia est aux anges. En accompagnement, ces gâteaux chinois au goût Umami n’ont, pour nous, aucun goût ! Sur la route d’un resto qui revisite la cuisine traditionnelle en forçant sur les prix, les tours du Tambour (qui date du règne de Kubilai Khan en 1272) et de la Cloche se détachent dans le ciel de la capitale. En soirée, c’est le choc… Mais où est donc le p’tit gros ? Roro a disparu dans les ruelles des hutongs…
La mission de la journée est de retrouver Rodrigo, qui devrait – on l’espère – nous attendre dans le café du fin fond des hutongs, forcément non loin de toilettes publiques partout à disposition. On se lève tôt pour profiter d’emplettes matinales chez les antiquaires de Panjiayun, le marché aux puces plus vraiment antique. Il débuta, malgré l’interdiction, dans les années 1980, lorsque les Pékinois se mirent à vendre dans la rue de Chaoyang. Il s’agissait d’un marché fantôme, un marché noir ! Pas de gaiwan (la tasse à couvercle), de boulier ou de gong fu cha, on ne trouve qu’un éventail de belle facture. Au café, le p’tit gros est bien là, c’est un bonheur familial arrosé de cappuccino ! Dans le hutong du premier jour, nous nous amusons à compter les « Beijing bikini », ces hommes qui retroussent leur chemise et exposent leur ventre. C’est « bǎngyé » (« s'exposer comme un grand-père ») ! Nous retrouvons le magasin d'objets de céramique. De belles boucles d’oreilles donneront le sourire à ma sœur ! Nous trouvons deux tea pets bien rigolos, avant de poursuivre notre balade sous une chaleur suffocante. Dans le quartier historique de Xuanwu au sud de la ville, le temple du Ciel (XVème siècle) est considéré comme l'achèvement de l'architecture chinoise traditionnelle. Les cérémonies de sacrifice y étaient importantes. Sa disposition symbolise la croyance chinoise que la Terre est carrée et le Ciel rond. L'empereur, « fils du Ciel », était chargé de préserver l’ordre sur terre grâce à son lien avec l'autorité céleste. L’immense complexe (267 hectares), qui contient les nombreux temples, est exténuant. À l’entrée, la queue pour acheter des billets est immense, le process basé sur des QR codes merdiques insupportable, la foule oppressante et Maghnia commence à payer ses crevettes méridiennes. L’édifice fait partie de l'un des quatre temples de l'aire impériale et célèbre les quatre points cardinaux ; il rappelle la Terre, le Ciel et surtout l’Enfer pour une Maghnia loin du meilleur de sa forme et en souffrance. Le quartier de notre hôtel, devenu un blockhaus presqu’autant que la place Tien an Men, est bouclé ; une manifestation officielle semble en préparation… C’est donc la course pour rallier, sereinement, un aéroport à l’architecture futuriste mais où tout est fermé. Maghnia, son gaiwan (enfin !) dans son sac, s’envole le cœur un peu plus léger de quitter une ville qui l’a tant envoûtée…




























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