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Arizona Dream - Arizona

  • Photo du rédacteur: CoolinClassic
    CoolinClassic
  • 3 oct.
  • 10 min de lecture

Dernière mise à jour : 4 oct.

Avril 2025

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C’est au cœur d’un désert américain, magistralement photographié par Raymond Depardon en 1983, que nous posons pieds. Arrivés tard à Phoenix, nous récupérons les clefs d’une Jeep qui nous permettra d’explorer l’Arizona Dream (Kusturica, 1993), où les rêves les plus fous sont permis. Maghnia prend aisément en main la Jeep à travers la banlieue d’une agglomération sans intérêt, polluée par un nombre hallucinant de gated communities. Notre Airbnb est dans l’un de ces quartiers sécurisés où les habitants y passent trop de leur temps : terrain de basket ou de jeux, services à la personne, bienvenue dans une société américaine ségrégationniste. Les premiers saguaro (cactus) typiques d’un désert de Sonora fatal à de nombreux migrants font leur apparition. La puissante chaleur a dû avoir raison des pumas et autres coyotes, car ce n’est pas dans l’habitude des parcs nationaux américains que de nous cacher l’intégralité de leur faune. Plaines désertiques et zones montagneuses se fracassent sur un Tucson en plein boom, symbolisé par un campus où des robots Amazon se baladent un peu partout. Une mission franciscaine du XVIIIème siècle (San Xavier del Bac) me fascine : la messe dominicale est pleine d’indigènes Yaqui, Tohono ou O’odham, qui adulent le proche d’Ignace de Loyola, cofondateur de la Compagnie de Jésus et « Apôtre des Indes ». Un Christ en croix habillé à la manière amérindienne, une statue de François Xavier ornée de bijoux indigènes, une peinture de Marie aux antipodes de sa représentation occidentale, un marché aux saveurs de galettes tex-mex…, fascinant ! Tout comme les ruines jésuites de San José de Tumacácori, fondée en 1691, centre d’évangélisation des populations autochtones Pimas. Retour à l’époque coloniale garanti ! Depuis peu, nous voyons souvent i’itoi, le Créateur, mis en scène par la figure de « l’homme dans le labyrinthe ». Pour les O’odham, celui-ci serait le symbole du voyage de la vie. Il ne faudra(it) jamais oublier que nous sommes invités sur les territoires des Premières Nations !


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Sur la route de Nogales (la ville de Charlie Mingus), le Titan Missile Museum sera la seule désillusion de notre quinzaine, car l’ancien silo à missiles balistiques intercontinentaux a pré-vendu tous ses billets. La voiture bercée par la voix de Richie Valens se rapproche de la frontière ; il serait dommage de ne pas aller voir le mur de Trump qui sépare des familles comme au temps de la guerre Froide. Des amis et parents dialoguent à travers les secteurs grillagés. Nous sommes dans une Amérique mexicaine de par la langue, et une gastronomie bien pauvre et peu appétissante. Vivement les burgers In-N-Out ou Jack in the Box ! Nous prenons la direction de Tombstone, connue des amoureux de westerns grâce à My Darling Clementine (J. Ford) ou Gunfight at the O.K. Corral (J. Sturges). C’est ici que la plus célèbre fusillade de la conquête de l’Ouest, opposant les frères Wyatt et Doc Holliday à des rascals, eut lieu en 1881. Au Big Nose Kate’s Saloon, c’est gloire à Trump ou à une Amérique non progressiste. Les couloirs sont remplis de conneries : « Support our troops », « U.S.A, love it or leave it »« Freedom isn’t free. God bless our troops » ! Une discussion passionnante avec ce professeur d’espagnol moitié Ute moitié Navajo, qui nous hébergera à Page, nous fera prendre conscience de la gravité de la situation : comment une majorité de ses collègues ont-t-ils pu voter pour un trou de balle pareil ? Il est l’heure de faire la route vers les Four Corners (convergence des états de l’Utah, du Colorado, du Nouveau-Mexique et d’Arizona). Elle traverse le désert de Chihuahua, le plus grand d’Amérique ! Dès Holbrook, nous sommes déjà sur l’un des segments de la mythique Route 66. Un milkshake dans un diner et c’est parti pour le parc national de Petrified Forrest, une steppe arbustive semi-désertique aux superbes paysages colorés de badlands. Des troncs de bois, vieux de 200 millions d’années, se sont fossilisés. Une vieille bagnole symbolise l’ancien tracé de celle que Steinbeck surnomma The Mother Road (Les Raisins de la colère). Nous voilà à écouter (Get Your Kicks On) Route 66, vieux standard du rhythm and blues qui annonce la seconde partie de notre road trip : The Rolling Stones, Chuck Berry ou Nat King Cole, qui la chante le mieux ? « If you ever plan to motor west. Travel my way, take the highway that's the best. Get your kicks on Route 66. » Maghnia me concède un pèlerinage express à Meteor Crater, cher à mon cœur depuis la scène finale du Starman du génial John Carpenter. Ici, « le vent souffle (vraiment fort) en Arizona... » sur un cratère d’impact utilisé dans les années 60 par la NASA pour simuler des missions lunaires, et dont la collision dégagea une énergie équivalente à 150 fois celle d’Hiroshima. Notre motel un peu vieillot est à deux pas du Wigwam Motel en forme de tipis que l’on voit dans Cars. La création de Pixar illustre bien le temps béni de la Route 66, qui vit, après la crise de 1929, de nombreuses familles émigrer par celle-ci dans le contexte de la Grande Dépression et du Dust Bowl (années 1930). Nous découvrons et adorons le style architectural Pueblo Revival. Celui-ci est symbolisé par l’Arizona Rancho ou le Posada Hotel (1929), qui rassemble musée, trading-post et ancien dépôt de train (Amtrak). C’était à l’époque où Winslow était un grand centre ferroviaire du sud-ouest du pays grâce au Santa Fe Railroad, celle des « Harvey girls », ces serveuses irréprochables en noir et blanc, portées à l’écran dans le film éponyme avec Judy Garland.

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Nous arrivons dans le coup de cœur américain de M. Bonnet : le « canyon rocheux » de Chelly creusé verticalement dans les lits de grès par deux arroyos ! L’ancien habitat des Anasazis est devenu celui des Navajos qui semblent y pratiquer une agriculture rudimentaire. Au sommet des trois-cents mètres de falaises abruptes, nos puissantes jumelles observent un microcosme à l’écart du monde, mais aussi des aiguilles jumelles, habitat de la Femme Araignée, leur principale divinité. Nous sommes déjà en Nation navajo, plus grande réserve amérindienne du pays et territoire semi-autonome de 71.000 km2. Leurs propres institutions judiciaires, policières ou leurs services sociaux doivent avoir du boulot pour gérer les problèmes chroniques nombreux (pénurie de logements, absence d'eau courante ou d'électricité) et un alcoolisme symbolisé par ces deux vieux auto-stoppeurs qui puent la gnôle, la pisse et ne parlent pas un mot d’anglais. La piste rouge du bout du monde nous emmène à l’entrée d’un hogan, la maison traditionnelle qui sert aussi de lieu de culte. Le confort très basique en vaut la peine : le paysage somptueux appelle déjà Monument Valley. Le dieu Coyote, créateur du premier homme, de la première femme, mais aussi allégorie du mal, doit rôder autour du logis. Cachés dans les reliefs du plateau du Colorado, c’est un peu la chasse au trésor, celle de la mine d’or du hollandais perdu, une légende mise fabuleusement en scène par J.-M. Charlier et J. Giraud dans le cycle de L’or de la sierra des aventures de Blueberry. Le héros s’enfonce dans la mesa du Cheval mort, nous dans celles du parc national de Mesa Verde. Nous voilà devant certains sites archéologiques les mieux préservés du pays. Cliff Palace et Balcony House font partie des six cents maisons troglodytiques de falaises, jadis habitées par les Puebloans Ancestraux dès 1000 av. J.-C. Des joyaux ! Au fur et à mesure que nous nous rapprochons de Monument(ale) Valley, un flot de références nous reviennent en tête : la DeLorean poursuivie par des Apaches (Retour vers le futur II), les motards d’Easy Rider, le road trip de Thelma et Louise, les apparitions de l’harmonica (Charles Bronson) et de Cheyenne (Jason Robards) dans Il était une fois dans l’Ouest, les plans d’ouverture et de fermeture de La prisonnière du désert, les westerns de/avec Eastwood, les paquets des Marlboro, ou le « I’m a poor lonesome cowboy, and a poor long way from home… » en clap de fin des Lucky Luke. Au Forrest Gump Point, la vue est inoubliable sur les buttes-témoins, ces roches de schiste, de grès, de limon de couleurs vives. Nous ne pouvons masquer notre émotion. Nous avons rarement vu aussi beau sur Terre que le paysage qu’offre le point de vue préféré de John Wayne en quête de La Prisonnière du désert ou de celui cher à John Ford... Maghnia me cède le volant sans appréhension. Est-ce sérieux ? Mais avec une automatique, c’est un jeu d’enfant. Nous naviguons entre les reliefs appelés « Grand Chef indien », « Aigle impérial », « œil qui pleure », « Trois Sœurs » ou « Botte de cowboy » par les Navajos. C’est du très grand art. Partout, le parfum de Ford (La Charge héroïque, La Chevauchée fantastique, My Darling Clementine) plane sur cette vallée immense. Monumental(e) !

Un mythe peut en cacher un autre. La route qui nous emmène au Grand Canyon est vraiment superbe, faite de canyons et de ces roches rouges que l’on voit dans les westerns spaghetti. Elle passe par Glen Canyon Conservation Area, une zone protégée aux frontières de l’Utah et de l’Arizona. Du lac Powell au barrage de Glen Canyon que l’on voit dans le Planète des singes de 1967, il y a fort à faire autour de la petite ville de Page. Les Dinés (Navajos), apparentés aux Apaches, gèrent Antelope Canyon. Il faut s’acquitter d’un prix exorbitant pour avoir la chance de pénétrer dans l’étroite fente du « lieu où l'eau coule à travers les rochers ». Il fait très froid à l’entrée de la faille et les groupes de touristes se succèdent. Antelope est une mine d’or pour les Navajos ! Tous les groupes sont partis, le canyon rien qu’à nous, nous sommes très chanceux. Le lendemain, puisqu’il est impossible de visiter la grande sœur, nous nous rendons dans le fascinant The New Wave, malgré le sable capricieux qui immobilise la jeep. À peine le temps d’enrager à l’idée de lâcher 600 dollars, que trois Italiens nous sortent du pétrin. Il suffisait de changer de mode de conduite… Merci les cousins ! Enfin, la région abrite Horseshoe Bend, un sublime méandre du fleuve Colorado. Maghnia, qui n’a jamais peur de rien, s’approche dangereusement du bord d’un impressionnant ravin, pendant que je suis tétanisé par la peur du vide et un vent très fort. Aux aurores, nous rallions le monstre qui s’étend sur 450 kilomètres de long entre les lacs Mead et Powell : le Grand Canyon. Il fait un froid de canard et nous pataugeons dans la neige… avant qu’un soleil de plomb rende la longue marche le long de l’impressionnante faille creusée par l’érosion du Colorado (de 5,5 à 30km) inoubliable ! Un wapiti a même rejoint Canyon Village. En soirée, notre logeur nous fait bien comprendre que l’on se doit d’être le plus discret possible. Rien à foutre de deux Français dans son logis ! C’est jour de Pâques, l’Amérique évangéliste doit être en liesse, et les intégristes pro-Trump anti-progressistes et anti-IVG rendent gloire à un Seigneur dont ils ont sali le message. Nous redescendons récupérer Main Street of America au son de radios country ou rock n’roll. On adore. Sur la mythique route qui rallie Chicago à Santa Monica sur plus de 3.500 kilomètres, les signes d’un temps révolu sont partout (panneaux Historic Route 66, citernes, moulins à vent). Dès Flagstaff, c’est reparti pour (Get Your Kicks On) Route 66 : « You'll see Amarillo, Gallup, New Mexico, Flagstaff, Arizona. Don't forget Winona. Kingman, Barstow, San Bernardino ». À Flagstaff, « the world's first International Dark Sky Place », nous tombons sur un hôtel référencé dans The Negro Motorist Green Book, le guide qui indiquait les endroits fréquentables pour les voyageurs afro-Américains. Mémoriel !

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Avant de suivre LA route à travers des petites villes à moitié endormies (Williams, Cottonwood, Oatman, Seligman, Kingman), une boucle nous fait découvrir les ruines de Montezuma construites par les Sinaguas ou Jerome, perchée à flanc de montagne le long de la route historique 89A. La ville connu sa gloire grâce aux mines de cuivre, son apogée grâce à ses maisons de jeux et de prostitution ; devenue presqu’une ville fantôme, des ânes sauvages, relâchés après la fermeture des mines, sont partout. C’est le Far-West d’antan avec ses saloons et son folklore. Excellent ! Nous découvrons les formations de grès rouge de Sedona, choyé par l’âge d’or du western hollywoodien (La Flèche brisée, le 3H10 pour Yuma de 1957). Le New Age est partout, grâce à la présence avérée de « vortex spirituels » dans la zone des canyons. Devant son camping-car 100% gloire à Jésus, un homme avec un tee-shirt « Trust Jesus » fait connaître son message. Non loin, que vient donc faire la figure christique autour d’un messie noir ou d’aliens sur cette fresque complètement barrée ? Pour le New Age, le Christ est un principe abstrait, un état de conscience, une entité extra-humaine qui serait descendue sur plusieurs maîtres de lumière ou maîtres de sagesse. Quand même… ! Je comprends juste que les « roches rouges de Sedona » sont l’occasion de faire marcher la machine à billets, entre les « UFO Night Tours » les « Psychic Readers », les « Aura Photos », les cafés bobo hors de prix ou des consultations à tout va… Pas con les adeptes du Nouvel Âge !

California Dreamin’ des Mamas and The Papas ou des Hôtel California des Eagles à fond dans la Jeep, direction Joshua Tree. Les éoliennes tapissent le paysage comme jamais. C’est une longue traversée du désert sur la dernière portion de la 66 (Cajon Blvd.). C’est un no man’s land interminable. Gare à celui qui est parti à sec ! Le Roy’s Motel, popularisé par Harrison Ford ou Anthony Hopkins et d’architecture Googie, est un phare au milieu de nulle part. Une sorte de Bagdad Café ! Cela fait des années que le parc national, qui met à l’honneur les arbres de Josué originaires des collines du désert de Mojave, est sur ma liste. Des mormons virent, dans les yuccas, Josué montrant bras tendu la Terre promise... Si la résilience des arbres force l’admiration, celui en photo sur la pochette de l’album de U2 (The Joshua Tree) n’est plus… Maghnia me refile le volant et insiste pour poursuivre l’expérience plus longtemps. Nulle envie de me frotter avec la police américaine. Inconsciente je vous dis ! Une nuit paisible dans le désert, et c’est parti pour Palm Springs la friquée, villégiature des stars. Nous passons devant les villas des immenses Elvis et Sinatra. En plein cœur de la ville, une statue géante rend gloire à Marilyn Monroe. C’est le dernier jour de Coachella, le festival de ceux qui ne servent à rien dans nos sociétés merdiques (les influenceurs). Les prix sont indécents. Après près de 4.850 kilomètres, Maghnia va pouvoir – enfin ! – souffler. Avant notre vol, j’insiste pour faire un crochet par Scottsdale, située non loin de Phoenix. On y trouve le siège de la Frank Lloyd Wright Foundation au sein de Taliesin West, la résidence d'hiver du maître. Située au cœur du désert, on sent la patte du principal protagoniste du style Prairie et le concepteur des maisons usoniennes, habitations en harmonie avec leur environnement. L'Institut des architectes américains a élu, au début du siècle dernier, Frank Lloyd Wright "plus grand architecte américain de l’histoire".... Au prix d'entrée (presque) astronomique, on apprécie que le bâtiment soit remarquable ! J’en finis enfin de faire le récit d’un voyage fabuleux : un immense merci à toi Grand Canyon State !


 
 
 

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